Pérégrination Artistique#15. Untitled (billboard of an empty bed), Félix Gonzáles-Torres.
Durant les ''sixties'', une génération d'artistes, les ''défricheurs.euses'', redécouvrant le travail de Marcel Duchamp explore alors de nouvelles manière de faire de l'art que l'on nomme, malgré l'arborescence de mouvement, contemporaine. Mais si l'art contemporain s'est aimé et aime encore être défini comme « briseur de limites », qu'elle soit « esthétique » ou « disciplinaires, voire […] moraux et même juridiques »1, son action se révèle au final être plus dans un repositionnement de nouvelles limites. Représentant de l'art conceptuel, qui pose « un art dont les concepts sont le matériau »2 . Sol Lewitte crée en 1968 le premier Wall Drawing, protocole de réalisation de peintures abstraites imaginées par l'artiste. Et c'est ici bien le protocole qui est créé par l'artiste, le protocole qui est la pièce achetée, le protocole qui est ensuite interprété et met en réalisation les acheteurs, donc le protocole qui est l'œuvre d'art. Mais bien que sublimant l'idée artistique de la « cosa mentale », les wall drawing, et l'entièreté des œuvres conceptuelles, ne peuvent au final totalement s'extraire d'une quelconque matérialité. Ainsi en repoussant les limites ils révèlent enfin celle de la matérialité minimum, lien concret et nécessaire entre la spiritualité de l'artiste et celles des spectateurs. Ainsi l'analyse d'une œuvre ne peut s'effectuer que dans l'expérience directe de cette matérialité, c'est-à-dire, l'ensemble synesthésique ses formes et ses couleurs, ce que je fais systématiquement. Mais il me faudra cependant cette fois-ci, car je n'étais tous simplement pas encore né, y contrevenir et inventer un récit imaginaire.
Mon réveil sonne et s'éclaire sobrement
Par mes paupières s'entrouvrant,
Mon esprit encore obscurci
De ces quelques heures de léthargie
Le même café s'infuse
dans une même bouilloire
La même clope use,
les mêmes poumons noirs
Les mêmes bruits
à travers la même cloison
Les mêmes avis
à travers la même télévision
Seuls quelques accords de Miles Davis
Quelles beautés
Cassent la fatale exactitude quotidienne
Comme celle des de ce vers
La pause reste de courte durée
Car pressants sont les feux de la chaussée
Rouage artificiel du grand métronome
Ordonnant la vie des femmes et des hommes
Un système parfaitement millimétré
Rythmant les révolutions de la Terre
Autour de sinistres objets manufacturés
Embellis par nos panneaux publici… tiens !
Dans ce grand flux, je m'interrompis lui créant par ma curiosité une résistance. Parmi les fastueuses propagandes colorées, une photographie sans inscription, ni de slogan, pas un prix ou même une marque, juste le cliché en noir et blanc d'un lit froissé. Aussi figé que la photo, une question cependant m'agite. Quel peut-être est le sens de cette photographie ?
Le mystère persistant moins
que la pression des rouages
Je repris sans entrain
ma place dans l'engrenage.
Installée en 1990 sur les panneaux publicitaires de New York, cette photographie fait pénétrer dans l'espace public et la cadence de la vie courante, l'intimité de l'artiste, celle d'un homme qui vient de perdre par le SIDA encore tabou à cette époque, l'être aimé. Nous explose alors à travers les plissures fantomatiques de cette alcôve confidentielle un crie silencieux, sanglotant avec la justesse des plus belles poésies le bouleversant poids de l'amour et de la mort.
A.Rymbaut
1 HEINICH Nathalie, Pour en finir avec la querelle de l'art contemporain, l'échoppe, p18.
2 FLYNT
Henri, Concept Art, 1936.